Mounir Fatmi, Thérapie de groupe, 2003, 18’ / Courtesy Heure Exquise ! Centre international pour les arts vidéo
Dimitry Gutov, Demonstration, 2000, 4’12’’ / Prêt de l’artiste
Ron Haselden, La campagne, 2007 / Prêt de l’artiste
Olga Kisseleva, (in)visible, 2007, 8’ / Prêt de l’artiste
Philippe Parreno, No more reality 2, 1991, 4’ / Courtesy coll. Philippe Poitevin
Sharif Waked, To be continued, 2009, 41’ / Prêt de l’artiste
Artur Zmijewski, Oni (Them) , 2007, 26’ 27” / Courtesy Fundacja Galerii Foksal / avec l’aide de "Filmoteka du Musee de l’Art Moderne de Varsovie
To be continued. . . En écho au sujet de l’Odyssée des mots: « non à l’indifférence », cette projection réunit des vidéos d’artistes qui examinent dans leurs travaux respectifs la question de l’engagement politique et de ses représentations médiatiques. À travers le choix de formes esthétiques (banderoles, drapeaux, tenues vestimentaires, éléments référentiels des utopies historiques…), différentes réalités sociopolitiques refont surface.
Ainsi, indépendamment des contextes, les motifs iconographiques érigés en véritables emblèmes jouent un rôle capital dans le partage de l’espace social, les manifestations deviennent une source d’analyse des images fabriquées, performées, tronquées, mais également dépositaires de désirs et d’espoirs nouveaux, à l’encontre des clichés d’une représentation médiatique. Bien que traitées de différente manière, toutes les questions abordées dans ces vidéos d’artistes confirment le rôle de l’art dans sa dimension critique.
Mounir Fatmi >>
Né en 1970 à Tanger. Vit et travaille entre Paris, Lille et Tanger.
Thérapie de groupe, 2003, 18’
Cette vidéo présente des images de manifestations contre des causes politiques qui concernent majoritairement les pays arabes : Guerre du Golfe, occupation de la Palestine, embargo, guerre d'Afghanistan qui amènent les populations à sortir dans les rues. Elle réunit de manifestations filmées au Maroc et en France entre 1998 et 2003 ou directement captés sur des écrans de télévision, avec l’idée qu'elles peuvent être comprises comme une forme de thérapie. Intégré dans le groupe l'individu réussit à exprimer sa désapprobation, à hurler sa haine ; la force et l'euphorie du groupe vont jusqu'à le pousser à piétiner, brûler des drapeaux et des effigies de personnalités politiques. Tous ces actes fortement symboliques mis en scène par la foule s'apparentent aux pratiques psychothérapeutiques de groupe dans lesquelles les participants expriment leur colère et leur souffrance. Dans les dictatures des pays arabes, les gestes démonstratifs sont souvent plus nombreux pendant les manifestations parce que celles-ci sont quasiment les seules occasions pour les populations d'extérioriser leur indignation et une exaspération. Elles deviennent alors l'occasion d'une décharge émotionnelle, avec l’expression des affects, des cris, des gestes, des mouvements et des émotions.
Dans son article publié dans le journal marocain "L'opinion", Saïd Afoulous explique que « dans ce travail de compulsion, en plus du caractère de résistance et d'éveil de conscience que constitue l'engagement contre la guerre, il y a aussi autre chose, des gens qui s'expriment, disent ce qu'ils ont sur le coeur. La vidéo-art est venue se greffer sur l'hégémonie de la télévision devenue incontournable pour être au monde, c'est-à-dire pour être informé mais aussi pour être manipulé, endoctriné dans la passivité. Elle est peut-être l'un des instruments le plus appropriés pour résister à cette tyrannie télévisuelle, à en décortiquer le flot d'images, les tordre, les malaxer pour faire du sens."
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Dimitry Gutov >>
Né en 1960 à Moscou où il vit et travaille.
Demonstration, 2000, 16’
La Démonstration est un film montrant une performance du groupe "Radek", jeunes artistes radicaux de gauche à Moscou. Il y avait peu de participants, et dans le but de créer une manifestation, ils ont choisi un endroit bien fréquenté. Ils se sont réunis à un carrefour où les piétons s’arrêtent au feu rouge pendant un long laps de temps. Lorsque lumière passe enfin au vert, une grande foule traverse la rue. A ce moment, les artistes eux-mêmes placés à la tête de la foule grandissent les pancartes avec des slogans absurdes et anarchistes et créent ainsi l'impression d’une manifestation qui réunit de nombreuses personnes. Cette performance a été réitérée plusieurs fois.
Pour la vidéo, j'ai choisi la musique de Pink Floyd « Come in number 51, your time is up » et « Heart beat, pig meat » utilisée dans le film de Michelangelo Antonioni, « Zabriskie Point » (1969). Cette musique se réfère à la fin des années 1960, le temps des protestations des jeunes, un exemple idéal pour la jeunesse radicale russe d’aujourd’hui.
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Ron Haselden >>
Né en 1944 à Gravesend en Angleterre. Vit et travaille à Plouër-sur-Rance en Bretagne
La Campagne, 2007, 2’
"Je regarde toujours de près les affiches de portraits des candidats politiques pour les élections présidentielles en France. Les panneaux d'affichage sont comme des galeries, mais à ciel ouvert dans chaque ville et village. Tous les quatre ans, de nouvelles séries de visages qui représentent chaque tendance politique sont affichées côte à côte, exprimant la sincérité, la conviction, la croyance sans compromis dans leurs vertus propres, demandant notre confiance dans leurs motivations et leurs programmes, promettant de fournir de manière exemplaire gouvernement pour tous (et bien sûr, promettant souvent une certaine exclusion de tous). Au fil du temps, le public visé par ces images et leur rhétorique contribue aux idées qui lui sont propres, comme les graffitis et dégradations de la superposition de nombreux portraits. Cela devient un événement en soit, qui joue son rôle sur le chemin rocailleux de la recherche d'un bon gouvernement."
(extrait du texte publié suite à l'exposition rétrospective Marnie Weber, Forever Free, the Cinema Show au Magasin, Grenoble, de février à avril 2010.)
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Olga Kisseleva >>
Née en 1965, vit et travaille à Paris et à Saint-Petersbourg
(in)visible, (séquences de Moscou, Tel Aviv, Kiev), 2007, 6’
Le projet (in) visibles porte sur les conflits et les tensions créées par la nouvelle façon de diviser et de partager le monde au profit des grandes multinationales, nouveaux maîtres du monde. Rwanda, Nicaragua, Afghanistan, Irak, Géorgie, Tchétchénie, Bosnie, Ukraine, Somalie, Israël, Palestine et de nombreux autres pays souffrent de ce genre de tentatives de les morceler. Les révolutions "rose" et "orange" qui ont eu lieu en Géorgie et en Ukraine ne sont pas comparables aux campagnes de génocide menées en Afrique ou aux opérations menées au Moyen-Orient mais, dans l'ensemble, le scénario est toujours identique. Il y a d'abord les prétextes : la défense des droits de l'homme, l'urgence de mener une opération anti-terroriste, de remédier à l'injustice sociale ou de secourir les victimes d'une catastrophe naturelle. Viennent ensuite les discussions sur la répartition des marchés, et tout d’abord de savoir quelle part devrait être emportée par Total, Shell ou Gazprom.
Ces vidéos, enregistrées lors de manifestations de protestation à Moscou, Kiev, et Tel Aviv, représentent un contrepoids aux «cartes virtuelles» qui dépeignent les conditions de la conquête du marché. Les images ont été tournées en noir et blanc et ne comportent pas de symboles ou de textes lisibles autres que logos et marques commerciales.
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Philippe Parreno >>
Né en 1964 à Oran en Algérie. Il vit et travaille à Paris.
No more reality II, 1991, 2’11
No More Reality II (La manifestation) est la seconde réalisation du programme intitulé No More Reality (1991- 1993). L'ensemble du programme présente un contenu critique d'une réalité au moyen de la dérision ou de la dénégation, un détournement de la forme et une interrogation par l'image et sur les images. Des enfants manifestent dans une cour de récréation, ils marchent, brandissent des banderoles et crient : "no more reality". La caméra saisit ce mouvement en plan demi-ensemble à travers un filtre bleu qui épaissit l'atmosphère du groupe, puis elle se déplace, enregistrant en plans serrés l'unique slogan et les visages des enfants. Le cadrage désigne l'un après l'autre tous les éléments qui définissent une manifestation, et dont la revendication interroge le sens d’un modèle politique. Dans Art Press Philippe Parreno précise son intention : "La réalité est manipulable et constamment manipulée. Dire "assez de réalité", c'est s'engager dans ce processus de recréation, de réinvention du réel. Mais ce projet précis était axé sur un décodage d'images, une analyse de l'effet qu'elles ont sur nous. Aujourd'hui j'en ai gardé l'idée qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre le réel, l'image et le commentaire. Je cherche des espaces-temps où ces trois éléments peuvent être appréhendés simultanément." (Philippe Parreno, "Virtualité réelle", Art Press, Paris, numéro 208, décembre 1995, p. 42, cité par Thérèse Beyler)
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Sharif Waked >>
Né en 1964 à Nazareth dans une famille palestinienne. Vit et travaille à Haifa et à Nazareth en Israël.
To be continued, 2009, 41’
Dans la vidéo intitulée To Be Continued…, l’artiste palestinien Sharif Waked s’intéresse aux nouvelles formes de propagande et à la représentation du monde arabe dans les médias. L’artiste reproduit la toile de fond typique d’une déclaration qui précède un attentat suicide, en mettant en scène un homme barbu qui s’adresse à la caméra une arme et un livre à la main. Or ici, le protagoniste récite les contes des Mille et une nuits. Tout en luttant contre les préjugés et en remettant en question des stéréotypes d’une représentation construite et véhiculée par les médias, Sharif Waked insinue que la culture arabe doit elle aussi résister.
texte de : Sebastian Egenhofer dans Théâtre et violence - Les configurations du sujet dans le travail de Catherine Sullivan)
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Artur Zmijewski >>
Née en 1968 à Los Angeles. Vit et travaille à Chicago.
Les Chittendens, 2005, Poverty Island, 11’33’’, courtesy Galerie Catherine Bastide, Bruxelles
Catherine Sullivan a développé une œuvre complexe, vaste et difficile. Aux frontières du film, des arts visuels et de la pratique théâtrale (son point de départ et ce qui reste encore aujourd’hui le point focal de son travail), elle a mis au jour les cheminements de ce qui serait un prolongement cohérent et rigoureux de la critique de la représentation telle qu’initiée par la modernité, choisissant de laisser en arrière les réductions et le purisme d’une « abstraction » formellement incomprise. Contrastant avec la problématique de l’authenticité de soi, revisitée aujourd’hui par le biais d’une sorte de « néoromantisme », le travail de Sullivan est à la recherche de la genèse et des conditions d’existence de masques individuels, décrivant une figure du sujet qui, loin de se confondre totalement avec son image, conserve plutôt la position instable de celui qui vole, passant de l’un à l’autre. Le théâtre en tant que site par excellence de la production et de l’échange de ces masques, constitue donc le terrain concret du travail de l’artiste et s’impose comme le paradigme conceptuel utile à son analyse.
texte de : Sebastian Egenhofer dans Théâtre et violence - Les configurations du sujet dans le travail de Catherine Sullivan)
Les Chittendens (2005) est une série de vidéos, présentée sur six écrans. En utilisant les partitions du compositeur Sean Griffin, Sullivan attribué différentes "attitudes" à 16 acteurs habillés en costumes typiques 19e et 20e siècles. Les attitudes sont interprétées par les acteurs en fonction de règles strictes. En modifiant la cadence dans différents modèles et combinaisons aléatoires, les acteurs peuvent varier l'intensité de leurs performances, condenser ou développer la forme physique de leur attitude, écourter ou prolonger leur jeu. Le titre de la pièce vient du nom d'une agence d'assurances, Chittenden Groupe, dont le symbole est un phare. Sullivan a choisi ce dernier comme une métaphore de l'autonomie et de la maîtrise de soi. Les Chittendens (filmé en 16mm et transféré sur vidéo) a été tourné principalement dans un immeuble de bureaux de Chicago et dans un petit phare abandonné sur Poverty Island, près de la rive du lac Michigan au Wisconsin.