Textes et publications
Accessoires inattendus du réel (mai 2007)
Depuis une dizaine d’années Maciek Stepinski repère les signes de l’étrange dans la réalité commune. Les sujets de prédilection de ses photographies et vidéos sont les bas-côtés des routes, travaux de construction, des autoroutes, des hangars industriels, des parkings… tous ces lieux au caractère transitoire qui apparaissent en marge des images qu’on accumule lors de nos voyages, nos déplacements. Proscrits de l’attention du regard, relégués vers l’inconscient ce sont pourtant ces espaces périphériques qui définissent le paysage contemporain. Semi champêtre, semi industriel et soumit à une transformation permanente, ce paysage se dote des nominations qui tentent de circonscrire une série de « non-lieux », tels que « zones », « aires» ou « terrains vagues».
Les détails de ces nouveaux espaces sont souvent présentés par l’artiste de manière frontale comme des natures mortes, des fragments du réel sublimés dans une mise en scène poétique et inquiétante. Ainsi, apparaissent des machines d’entretien du réseau routier, des portes de garages et de hangars, des grues, des tractopelles, des îlots aménagés dans des parkings, des lampadaires, des passages cloutés ou des sections de routes qui disparaissent dans la profondeur de la nuit…
AIDS RIOT (2003)
École du MAGASIN – 12ème Session
AIDS RIOT est le fruit de recherches et de discussions menées dans le cadre de la formation professionnelle curatoriale de l’École du MAGASIN.
Benedetta di Loreto, Caroline Engel, Nicolas Fenouillat, Aurélie Guitton, Flora Loyau, Ivana Mestrov, Anna Olszewska, qui ont travaillé collectivement à tous les niveaux de conception et d’édition d’AIDS RIOT. Le travail a été supervisé par Fabrice Stroun et Lionel Bovier – commissaires d’exposition basés à Genève.
Le MAGASIN accueille chaque année depuis 1987 une dizaine de jeunes professionnels internationaux en formation.Ce programme, le premier de ce type en Europe, a pour objectif la préparation concrète à la connaissance et à la maîtrise des outils conceptuels, méthodologiques et techniques de l’exposition et de sa réception. Le terme « curatorial » désigne ce qui est lié à l’organisation d’expositions, de la conception au décrochage, de la production à la postproduction. L’exposition est entendue ici comme la présentation et le rassemblement d’éléments sous des formes variées : spatiales, imprimées, numériques, etc. Ce projet de publication a été mené par les élèves de la 12ème Session :
Charlie Jeffery (2011)
« Chair »
13 octobre 2011
Pour sa dernière performance au Quartier, Charlie Jeffery ne portait pas le costume de jeune cadre qu’il revêt habituellement pour les interventions de sa société Mud Office (Bureau de la boue). Il ne s’était pas muni d’une hache qui, en prévision de quelque intervention troublante, aurait inscrit son geste parmi ceux qui initièrent nombre de ses œuvres. Jeffery ne s’était pas non plus paré de masque d’âne qui aurait rattaché son action à la dynamique d’un travail absurde et sans fin, enregistré dans ses vidéos.
Au Quartier, l’artiste planta un décor schématique composé de quelques accessoires utilitaires : deux tables, une chaise, quelques feuilles de papier, une guitare et un livre. Ce dernier, publié à l’occasion de l’exposition de l’artiste au Quartier avait été conçu comme un facsimilé de ses notes et dessins. Intitulé « Chair », ce carnet se transforma au cours de la performance en partitions d’une série d’actions inattendues.
Dector & Dupuy (2010)
Restitution de l'interview de Dector & Dupuy réalisé par Anna Olszewska à l'occasion de leur exposition "LECL" au Quartier.
Anna : Vous travaillez ensemble depuis une vingtaine d’années. Quelle est l’origine de cette collaboration ?
Selon quelles modalités partagez vous les responsabilités de vos projets ?
Dector & Dupuy : D’abord une amitié, une proximité de travail, de critique réciproque et puis une association, un nom. Quand l’association a cessé son activité nous avons continué avec nos propres noms. Il n’y a pas vraiment d’origine, de décision fondatrice : les choses se sont faites progressivement, d’une manière naturelle. Tout notre travail est commun. La responsabilité du travail est totale pour chacun d’entre nous. Même si des habitudes se sont créées en fonction des compétences de l’un ou de l’autre, il n’y a pas de rôle défini pour chacun. Cela peut toujours changer.
DEPLACEMENTS (2006)
Ce texte est extrait du projet d’exposition de travaux d’artistes qui questionnent les différentes formes de la mobilité. ( projet non réalisé à ce jour).
Dans son article sur la biennale de Venise, publié dans le numéro 149 d’Art press, Catherine Francblin remarque que la fonction d’Aperto, crée en 1980 par Harald Szeemann pour rendre visibles les œuvres et les jeunes artistes internationaux, semble ne plus avoir la même utilité dans la situation artistique de 1990. La critique note que, ce qui a permis à l’Aperto d’atteindre ses objectifs en l’espace de dix ans, est l’accélération de la circulation d’informations au sein du système de l’art.
Cette accélération d’échanges et d’informations fait aujourd’hui partie du processus communément connu sous le nom de la mondialisation. La multiplication des galeries et de leurs annexes à l’étranger, des foires, des biennales et autres grandes manifestations internationales d’art contemporain participe non seulement à l’essor du système de l’art, dont Francblin a remarqué les effets en 1990 mais, renforcée par le réseau Internet, la presse, les programmes d’échanges culturels, les commandes et les résidences d’artistes, elle modifie également les fonctionnalités et les rôles de différents acteurs du système de l’art. Un curateur ou un collectionneur n’a réellement, ni besoin de fréquenter les ateliers d’artistes, ni de se déplacer pour voir les expositions. Il lui suffit d’attendre l’arrivée d’informations directement chez lui, avec un délai de plus en plus bref.
Dorota Buczkowska (2004)
Circulation
La démarche artistique de Dorota Buczkowska reste en relation directe avec la notion de la circulation. Elle implique non seulement le déplacement physique dans l’espace, mais reflète aussi le système organique d’une transmission des liquides dans le corps.
Les sculptures, installations, vidéos, photographies et dessins de cette artiste investissent les éléments formels d’un vocabulaire personnel, issu d’un parallèle entre les mécanismes d’organisation du corps et ceux de la société.
Le corps mis en scène dans les travaux de Dorota Buczkowska est représenté dans les situations ambiguës de moments de transition: entre l’enfance et l’adolescence dans la vidéo Grenade où la découverte d’un fruit exotique par une jeune fille symbolise un rite d‘initiation ; entre le masculin et le féminin dans l’installation Chasse aux anges dans laquelle l’ange asexué est soumis à une chasse réglementée par des instructions entomologiques, ou encore entre la naissance et la disparition dans l’installation Birthday, qui associe les petites sculptures d’embryons humains en chocolat à une forme cachée à l’intérieur d’un gigantesque sac en plastique rose.
Mémoire de verre (2012)
Avant le vernissage... Questions à Hervé Le Nost et Dominique Marchès par Anna Olszewska.
Le 10 octobres 2012
Anna : Le projet de l’exposition "Mémoire de verre" prend ses origines dans deux workshops organisés au CIAV, Centre international des arts verriers à Meisenthal en Lorraine. Pouvez-vous nous préciser les raisons pour lesquelles vous avez décidé d’exposer les objets produits lors de ces workshops.
Hervé Le Nost : Après plusieurs échanges avec Michel Paysant, nous avons défini un projet de travail pour un groupe d’étudiants, durant une semaine avec l’équipe du CIAV, puis nous avons engagé une réflexion autour d’un objet sonore. Ce projet fût accepté par l’association des écoles d’art de Bretagne. Deux workshops se sont déroulés au CIAV à Meisenthal pour les écoles de Bretagne, le premier avec Michel Paysant et moi-même et un second avec Christelle Familiari et Odile Landry. Les étudiants se retrouvaient dans les mêmes conditions qu’une ou un artiste qui va fabriquer une pièce en verre au CIAV disposant d’une équipe technique avec un chef d’atelier qui évalue ce qui est réalisable ou ce qui ne l’est pas. Pendant une semaine s’est organisé le travail. Le lundi matin, les étudiants ont rencontré et échangé avec l’équipe, ils ont ensuite commencé à réaliser des pièces. Elles avaient été pensées en amont avec le dessin, à partir des formes de la moulothèque numérisée du CIAV.
Fonctions du corps à usage familier (2004)
dessins :
Dorota Buczkowska, « Dessins – gravures », 2004.
Zuzanna Janin, « HomeFuckingIsKillingProstitution », série de dessins réalisés entre 1997 et 2004
Le corps comme le lieu des possibles d’une existence, marqué par le temps, sculpté par les expériences, trouve dans le dessin son expression la plus intime. La technique du dessin matérialise toute l’intensité des interrogations sur le sens du corps dans ses fonctions biochimiques.
Les lignes continues, obliques, précises ou saccadées, fines et instinctives composent des agrégats d’une émotivité unique. Les contours découpent l’espace du support et appellent la proximité du regard. Le dessin devient alors l’outil analytique d’une certaine perception du monde. Dessiner c’est voir, sentir et mémoriser ce qui concentre l’attention. C’est aussi échafauder une construction personnelle des représentations et leurs significations au cours d’un processus d’affirmation du soi. Le lien qui unie le corps avec son expression formelle est celui d’une profonde intimité que l’homme entretient avec ce qui caractérise son identité et avec ce qui concrétise sa pensée.
in paris (lipiec 2007)
Jak zbratac sie ze sztuka wspolczesna w Paryzu ?
Paryz jest miastem nie tylko slynnym ze sztuki, lecz wprost opetanym przez sztuke. Nowe galerie i niezalezne przestrzenie artystyczne otwieraja sie tu kazdego dnia, czesto zmieniajac nazwe lub przeprowadzajac sie po kilku miesiacach dzialalnosci do innej dzielnicy. Jak wiec odnalezc te miejsca, w ktorych zagubiony amator moze zapoznac sie z najnowszymi tendencjami sztuki wspolczesnej bez poczucia oniesmielenia, skrepowania czy znuzenia? Jak uniknac pseudo-artystycznych pulapek, w ktore wpadaja poszukujacy silnych wrazen turysci ? Ktore z tych licznych miejsc poswieconych sztuce wspolczesnej odgrywa role w zyciu artystycznym Paryza ?
Je t’aime de loin (2004)
« Je t’aime de loin » est le sujet de réflexion proposé aux neuf artistes pour l’exposition à l’Institut Polonais de Paris. Comme lors de son premier volet, qui s’est déroulé en Pologne, cette exposition interroge la notion d’un sentiment (amoureux) et son rapport avec l’espace (éloignement). Le point commun de ces deux événements, bien que de manière très variée, est le lien particulier que les artistes entretiennent avec la Pologne. Certains d’entre eux sont d’origine polonaise et leur réflexion sur l’amour à distance est tributaire du déplacement physique qui induit l’interruption des relations habituelles avec les personnes et les objets, d’autres ont choisi ce pays comme lieu de séjour et leurs travaux portent les marques singulières de l’adaptation aux réalités différentes. En règle générale, aimer de loin implique donc l’apparition, à plusieurs niveaux, de rapports nouveaux liés aux personnes et aux lieux.
Aimer quelqu’un de loin fait naître autant un état d’introspection qu’une nouvelle représentation de l’autre. L’éloignement de l’être aimé crée une distance, un interstice où se développe une fiction alimentée par le désir d’entretenir un lien et de faire partie de la réalité de l’autre. Par conséquent, le présent devient l’espace dans lequel s’opère une projection des rêves, des narrations imaginaires, mais aussi la production d’une idéalisation de soi et de l’autre. Dans « Sens unique » Walter Benjamin commente ainsi la nature de ce sentiment :
Kees Visser, Sophie Ristelhueber (2007)
Journal du Centre d’art contemporain de Quimper n°65
13 octobre 2011
La pratique artistique de Kees Visser est riche d’influences. Si une part d’entre elles est directement héritée de la tradition picturale du pays dont l’artiste est originaire, l’autre implique les grandes problématiques soulevées par la peinture abstraite depuis le début du XXe siècle.
Les références historiques qui alimentent la méthode utilisée par Kees Visser trouvent leur source aussi bien dans la matérialité de la couleur chez Vermeer que dans la rigueur formelle de l’abstraction géométrique de Mondrian. Toutefois, sa pratique s’apparente aux démarches artistiques développées à partir des années cinquante, qui ont conduit la peinture abstraite à une radicalité concrétisée par une surface plane et monochrome.
Kinga Dunikowska (novembre 2003)
Kinga Dunikowska entretient une relation particulière avec la matérialisation de ses fictions. Installation, vidéo, peinture, satellite font partie de la panoplie des supports que l’artiste utilise pour les besoins d’une histoire à créer. Ses installations telles que Bureau Bond
, Damensalon
ou Magic Garden
mettent en scène les univers de simulation fréquentés par le personnage extravagant de l’artiste elle-même. Ainsi, l’organisation internationale Orakel dirigée par l’imprévisible Kinga D. tente d’effacer la frontière entre la réalité et la fiction. Elle trouble les différences entre les événements réels et fictifs au cours de machinations nommées « art ». Cette production d’une mythologie propre, l’exploitation d’autres mythes ou la surdimentionalisation des objets de la pop culture permettent de représenter une réalité immédiate mettant ainsi en doute la véracité des fragments dont elle est conçue. Dissimulent-ils une réalité ou une fiction?
Les dessins célibataires (2005)
En explorant les possibilités d’une exécution graphique, qui trouble la frontière entre l’existence réelle d’un objet et sa capacité formelle à générer du doute, Patrick Sauze invente ses propres modes de représentation. Il crée des séries d’objets hybrides qui, en dépit de leurs ressemblances avec un univers familier, relèvent d’une stratégie de la contradiction. L’incohérence fonctionnelle systématique de ces objets est intrinsèque à leur nature formelle paradoxale (fausse perspective, sérialité, dénigrement de la logique, géométrisation à outrance). Ainsi, s’exposent des séries de clés – serrures, de tournevis et de marteaux cruciformes, d’armes à feu suicidaires et de crânes - boîtes. Chacun de ces sujets, occupe le milieu de la page telle l’affirmation anthropocentrique d’une solitude subie et recherchée. Comme le revendique Patrick Sauze
LIGNES DE FUITE (2005)
Jagna Ciuchta
La forme est une genèse, un mouvement, elle fait resurgir le contenu en se formant, en se prolongeant dans le processus de sa réalisation.1
Les œuvres de Jagna Ciuchta réactualisent la portée de la réflexion formaliste tout en échappant au débat réducteur qui oppose simple composition plastique et contenu transcendant de l’œuvre. L’artiste utilise la forme comme une conséquence naturelle du mouvement de son corps, comme le résultat de son inscription dans un espace. Le cercle en est l’expression récurante. Porteur d’une symbolique forte, il délimite aussi bien une étendue, un territoire, qu’affirme une relation entre ce qu’il circonscrit et son point de départ – le corps de l’artiste. Le cercle établit non seulement les limites entre ce qui est proche du corps et ce qui reste hors de sa portée, entre le plein et le vide, entre le soi et l’autre, mais il est également