Charlie Jeffery (2011)
« Chair »
13 octobre 2011
Pour sa dernière performance au Quartier, Charlie Jeffery ne portait pas le costume de jeune cadre qu’il revêt habituellement pour les interventions de sa société Mud Office (Bureau de la boue). Il ne s’était pas muni d’une hache qui, en prévision de quelque intervention troublante, aurait inscrit son geste parmi ceux qui initièrent nombre de ses œuvres. Jeffery ne s’était pas non plus paré de masque d’âne qui aurait rattaché son action à la dynamique d’un travail absurde et sans fin, enregistré dans ses vidéos.
Au Quartier, l’artiste planta un décor schématique composé de quelques accessoires utilitaires : deux tables, une chaise, quelques feuilles de papier, une guitare et un livre. Ce dernier, publié à l’occasion de l’exposition de l’artiste au Quartier avait été conçu comme un facsimilé de ses notes et dessins. Intitulé « Chair », ce carnet se transforma au cours de la performance en partitions d’une série d’actions inattendues.
Debout, allongé, assis, en train d’exécuter des sauts périlleux, Charlie Jeffery s’empara de l’espace en exécutant les instructions qu’imposaient les mots et les dessins de son carnet. Impliqué et distancié à la fois, il présenta les propositions d’une interprétation possible tout en invitant le public à participer au déroulement des actions tantôt contradictoires, tantôt burlesques, parfois même audacieuses. Ainsi, la morphologie du corps se mît en équation avec le livre. La chair trouva alors une analogie parfaite avec l’objet banal mais essentiel pour l’iconographie de l’art contemporain : la chaise. S’agissait-il de celle qui porte les usures d’une non-action, d’un fait statique et résigné du corps au repos, figé, assis ou au contraire, de celle devenue l’emblème d’une tautologie qui continue de perturber notre système de représentation ?
Tout en commentant les difficultés dues à l’ambiguïté de traduire son livre en gestes et en sons, Charlie Jeffery réalisa une performance qui resitue avec humour une pratique artistique dans son rapport à l’écriture, au statut des objets et à l’histoire de l’art conceptuel.
Anna Olszewska