Kees Visser (2007)
Journal du Centre d’art contemporain de Quimper n°65
13 octobre 2011
Kees Visser né à Heemstede aux Pays-Bas en 1948, vit et travaille à Haarlem (Pays-Bas)
La pratique artistique de Kees Visser est riche d’influences. Si une part d’entre elles est directement héritée de la tradition picturale du pays dont l’artiste est originaire, l’autre implique les grandes problématiques soulevées par la peinture abstraite depuis le début du XXe siècle.
Les références historiques qui alimentent la méthode utilisée par Kees Visser trouvent leur source aussi bien dans la matérialité de la couleur chez Vermeer que dans la rigueur formelle de l’abstraction géométrique de Mondrian. Toutefois, sa pratique s’apparente aux démarches artistiques développées à partir des années cinquante, qui ont conduit la peinture abstraite à une radicalité concrétisée par une surface plane et monochrome.
Kees Visser réinvestit la figure historique du monochrome en tant que matière délimitée par la forme du support. Il y introduit un principe de sérialité qui travaille à modifier l’identité originelle de la forme donnée au monochrome.
Adoptant le support du papier, il construit une véritable méthode qui fonctionne sur un mode de permutation et qui lui permet de générer une infinité de formes et de couleurs. Ouverte à de multiples possibilités, cette méthode est en perpétuel renouvellement.
La permutation de la forme
Kees Visser travaille la forme et la couleur comme deux entités indépendantes. À partir 1991, il élabore sa méthode en un système. Le rectangle en devient la forme référentielle. Elle se prête à des séries de transformations qui délimitent l’espace de la couleur. Les 32 permutations obtenues par rétraction ou addition de volume sur les côtés verticaux du rectangle, laissent apparaître une suite de formes biaisées par rapport à l’orthogonalité du support. Il en résulte des «chutes», de formes triangulaires qui témoignent, à la fois de l’historique de la transformation du rectangle et du geste de l’artiste. Tracée sur du papier millimétré, chaque forme est associée à un échantillon de couleur et à des précisions sur sa composition. L’ensemble des séries est numéroté 1–32 ou 33–64 et archivé de A à Z dans ce que l’artiste appelle le «Catalogue raisonné».
Déclinées en séries et en formats différents, présentées horizontalement sous vitrines ou verticalement sur les murs, les peintures de Kees Visser deviennent des unités, rythmées par l’évolution de la forme et de la couleur.
L’expérience de la couleur
Les peintures de Kees Visser conjuguent également des gammes de couleurs. Chacune d’entre elles est développée en suites qui ont une dynamique, une densité et une matérialité particulière. Les pigments acryliques utilisés dans ses peintures donnent à la surface du papier une qualité veloutée et poudrée. Pour le Quartier, l’artiste a réalisé deux séries inédites. La première, Série T, composée de 60 peintures présentées sous 4 vitrines, développe trois gammes de couleurs (de jaune, de gris et de bleu) qui font écho à l’installation conçue pour l’espace de la chapelle Jeanne d’Arc à Thouars en 2006.
La deuxième série, répertoriée sous la lettre N, est constituée de six peintures de grand format réalisées sur papier marouflé sur aluminium. Cet ensemble d’oeuvres, noires en apparence alors que trois d’entre elles seulement comportent effectivement cette couleur, présente en réalité les différents rapports des trois couleurs d’écran RVB (rouge, vert, bleu) privées de lumière.
Anna Olszewska
Sophie Ristelhueber (2007)
Journal du Centre d’art contemporain de Quimper n°65
13 octobre 2011
Sophie Ristelhueber née à Paris en 1949, vit à Paris
Sophie Ristelhueber entre dans le monde de l’art au"début des années 80, après avoir fait des études de lettres et travaillé dans l’édition. Les oeuvres qui l’ont d’abord fait connaître comme photographe ont été réalisées à l’occasion d’une exposition à Beaubourg intitulée Intérieurs (1981), pour laquelle l’artiste devait initialement écrire un texte. Pourtant, la photographie ne constitue pas un moyen d’expression exclusif dans sa démarche. Elle l’utilise conjointement aux installations et aux textes. La méthode qu’elle emploie dans ses travaux est influencée par le nouveau roman. Il en résulte une attention particulière accordée à la description minutieuse du réel et à l’ambivalence entre la réalité et la fiction.
En 1982, Sophie Ristelhueber part à Beyrouth pour réaliser son projet sur l’architecture moderne en ruine. C’est le début d’une série des déplacements au cours desquels l’artiste parcourt l’Arménie (1988), le désert du Koweït (1991), l’Asie Centrale (1997), l’Irak (2000), la Cisjordanie (2003/2004)… Les oeuvres qu’elle présente à son retour proposent une vision allégorique de l’histoire, du territoire, de la transformation du paysage à travers les traces de ce que l’homme inflige à la terre. Loin de la logique médiatique du photoreportage, l’artiste explore aussi bien les détails des lieux de conflits que sa maison familiale à Vulaines (1989,1995) ou encore les allées dépeuplées du jardin de Luxembourg à Paris (2002).
Kees Visser réinvestit la figure historique du monochrome en tant que matière délimitée par la forme du support. Il y introduit un principe de sérialité qui travaille à modifier l’identité originelle de la forme donnée au monochrome.
Les expéditions
Les projets de Sophie Ristelhueber se construisent à partir d’un choix de documents et d’images découpés dans la presse et stockés dans ce que l’artiste appelle ses boîtes à projets. Chaque fois, c’est l’une de ces images d’actualité qui l’incite à voyage et l’amène à se confronter en direct avec la réalité. Ainsi, elle part à la recherche des traces laissées par la violence des faits, des empreintes d’une réalité révolue, devenue plus tangible dans son absence que dans les relevés documentaires des événements qui s’y sont produits.
Présentée au Quartier L’air est à tout le monde, est une série initiée en 1997 par une pièce qui assemble des cadres métalliques sans images sur lesquels sont inscrites les lettres du titre de la série. Trois grandes photographies accompagnées d’une bande sonore lui font suite. Prises sur les frontières entre le Tadjikistan et l’Afghanistan le (2000), entre le Turkménistan et l’Iran (2001) et entre la Syrie et l’Irak (2002), elles questionnent le changement de statut de l’image, son pouvoir de représenter à la fois un paysage et un territoire.
L’image et le langage
Sophie Ristelhueber recourt aussi bien aux images qu’aux textes. Pourtant, dans ses travaux, les mots ne prétendent pas désigner ce que montrent les images. Dans leurs associations, ils contribuent à la construction d’une signification et d’une forme nouvelles. Ainsi, dans l’oeuvre intitulée Stitches de 2005 (points, sutures), l’artiste montre dans ses photographies noir et blanc, les détails d’un sol sans ligne d’horizon. Réalisées, dans les villes palestiniennes, ces photographies sont associées à des fragments de discours de Georges W. Bush brodés au point de croix. La relation entre l’image et le texte trouve un lien encore plus étroit dans Opérations (2007). Produite par le centre d’art, cette oeuvre dans laquelle le texte est traité comme une image, consiste en une projection de noms d’interventions militaires, telle que «Tempête du désert» (Koweït, 1991) ou «Licorne» (Côte d’Ivoire, 2002). La liste de ces titres donne également lieu à un livre d’artiste conçu à l’occasion de cette exposition.
Anna Olszewska